mercredi 5 août 2009

MA CORRESPONDANCE AVEC ANNE-CHARLOTTE (8)

Deûlémont, le 17 janvier 2006
Ma chère Anne-Charlotte,
Vous me demandez un effort surhumain. Je n’ai jamais noté mes rêves et quant à tout ce que j’ai accompli entre 17 et 60 ans... Souhaitez-vous que je rédige mon autobiographie ? J’ai fêté il y a peu mon 75ème anniversaire et il me faudrait soustraire quelques années précieuses au temps qui m’est peut-être imparti pour venir à bout d’une telle tâche. J’ai été récemment approchée par un écrivain qui souhaite rédiger une telle biographie mienne mais bien qu’ayant de la sympathie pour cet homme et son projet, je n’ai encore clairement accepté et voilà qu’à votre tour vous souhaitez connaître de ma vie cachée. C’est comme ce Monsieur Berlol que je ne connais ni de Dave, ni de dents, qui me demande de donner des détails sur ma vie à Londres avec Siouxsie et ses Banshees. Mais ce n’est pas parce que je suis une personne âgée selon les critères de l’organisation étatique que je ne me considère pas d’avenir. En ce moment même avec mon Etoile Point Etoile je suis en train d’accomplir une oeuvre considérable qui est à peine ébauchée car je souhaiterai rassembler sur ma blogue une quantité illimitée de dossiers et de fichiers sur la compréhension du monde tout entier d’aujourd’hui dans le fonctionnement réel. Et ce n’est pas un entremets, croyez-moi !
Pour faire brève, je ne répondrai pour commencer qu’aux deux extrémités de la question. J’ai eu 7 ans en 1940. J’habitais Haverskerque et j’ai vu le défilé dégingandé en sarabande des soldats alliés pourchassés par les avions d’Adolf Hitler qui se dirigeaient vers Dunkerque. J’ai vu un cheval mort pourri devant la grange de Pépére et une moto crevée renversée dans son essence devant la menuiserie de Papa. En 1940 j’étais comme vous une enfant de Marie et je portais une couronne de roses dans les cheveux le jour de l’Assomption. J’ai eu 50 ans en 1983. Cette année-là, j’ai découvert la première version de Windows et pendant mon stage informatique à la MJC, j’ai appris à utiliser le traitement de texte qui s’appelait Sprint. C’est en 1983 aussi, tout à fait confidentiellement que j’ai atteint le seuil inférieur de la ménopause et que je fus débarrassée de tous les troubles liés à la température.
Pour ce qui est de mon séjour à Londres, je ne vous en dirai rien pour l’instant. Sachez seulement, ma petite Anne-Charlotte que j’y fus sur les traces de Rimbaud, de Germain Nouveau et de William Burroughs. Rappelez-moi de vous en reparler à l’occasion.
Vous me demandez aussi de déclarer ma folie pour une personne. La seule personne dont j’ai été follement folle fut moi-même et cela m’a coûté très cher puisque je méritai l’enfermement dans la psychiatrie à contraintes médicamenteuses et de bondage. Horrible ! Je ne souhaite cela qu’à mes ennemi(e)s.
J’ai lu votre histoire du professeur de philosophie qui raconte une histoire. C’est un peu une mise en abîme et j’ai pensé au bout d’un moment que je projetterais avec plaisir votre professeur dans le trou noir de sa bêtise inconséquente. A mon avis ce professeur de philosophie est un nain du cerveau qui serait plus utile à la société à l’intérieur d’une caverne de pompiers.
Quant à vous, Anne-Charlotte, avec votre impression d’être envahie par je ne sais quel succube qui parlerait par votre bouche, vous me semblez faire la preuve de beaucoup de légèreté d’insouciance. Oui, bien sûr, la connaissance du coeur est peut-être le début du chemin mais ce sera d’abord pour le futur cardiologue ou le futur boucher-charcutier ou pour le Petit Poucet. Je préfère dire que la connaissance du chemin est peut-être le début du coeur. De même : « Connais-toi toi-même ? » cela résonne dans ma tête saccagée comme le bégaiement d’un australopithèque assoiffé. Peut-être direz-vous que mon privilège de l’âge ne m’empêche pas d’être méchante ou stupide et vous avez raison, vous avez raison au moment où vous le dites et c’est vous qui le dites dans votre bouche avec votre coeur qui pousse par derrière. Alors, Anne-Charlotte je vous suggère d’utiliser la forme affirmative et de ne poser qu’une question à la fois. Et maintenant je vais essayer de m’asseoir dans la machine à remonter le temps pour retrouver quelques escarbilles à sauver de mon tas d’années usées, à travers ce qui fait la consistance de ma vie, la trinité de la douleur, du mystère et de la drôlerie. Ne me trouvez pas dure. Je suis une personne âgée qui refuse de décliner.
Sur votre blog, j’ai beaucoup aimé le petit poème à propos des chaussettes. Ne vous forcez pas. Restez calme. Je vous souhaite une bonne fin de semaine.
Mauricette

4 commentaires:

Jeff a dit…

Monsieur Dylan disait que tout les mots qui soufflent dans le vent soufflent dans le vent.

But mens gave names to all the animals

I'm working on a dream, I say!

See you soon, my friend, on stage...

Mauricette Beaussart a dit…

Il me semble vous avoir aperçu en compagnie de l'amie Lise près d'un silo à grains. C'est la saison, me direz-vous.
Le vent qui souffle emporte la balle au van.

Jeff a dit…

Histoire:

C'est Anne-Charlotte qui allait se noyer du côté de Deulémont, mais, par quel hasard, un remous la rejette sur la rive.

Moralité:

De la fille, l'eau sauve...

Mauricette Beaussart a dit…

Ami Jeff, vous avez raison, il n'y a pas que les phlosophes avec ou sans i, qui sauvent. D'ailleurs, les phlosophes ont beaucoup d'eau. Mais le poisson de Jonas nagea-til dans la Lys ? Je ne crois pas. Mais en même temps je crois que oui. L'important est que la demoiselle ne se perde pas. Une bouée n'est pas toujours inutile.