vendredi 31 juillet 2009

MA CORRESPONDANCE AVEC ANNE-CHARLOTTE (7)

Quatrième E-MAIL d'Anne-Charlotte,
le 16 janvier 2006, vers 12h.

Chère Mauricette,

Je me demande quels étaient vos rêves et ce que vous avez accompli entre 17 et 60 ans. Avez-vous déjà ressenti quelque chose de fou pour une personne ? Quand vous êtes allée à Londres, était-ce pour apprendre la langue ou parce que vous étiez tombée amoureuse ? Comme je vous l’ai dit, j’ai une petite soeur. Elle a 8 ans, presque dix ans d’écart et déjà, je l’envie d’être plus jeune que moi. Si c’était à refaire, j’aurais choisi une autre école et j’aurais fait de la danse. Maintenant, quand je lève la jambe, ça me tire tellement dans les muscles que je sais que je ne serai jamais danseuse. L’autre jour le prof de philo a raconté cette histoire : « Il était une fois un jeune homme qui menait la grande vie. Il avait beaucoup d’argent, il réussissait tout ce qu’il entreprenait. Un jour, il décida d’acheter une Ferrari rouge. Il roulait à toute vitesse sur les chemins de campagne. Il aimait les femmes et claquant des doigts, il avait le choix, aucune ne lui résistait. Un jour, avec sa Ferrari rouge, il s’arrêta dans une station essence. La pompiste était jolie. Quand il sortit sa carte American express, qu’il tapa son code, il fut satisfait. Il croyait que la jolie jeune femme succombait à son charme. A son insu, c’est lui qui se vit tout entier dans ses yeux bleus d’opaline. Les battements de son coeur s’accélérèrent. La jeune femme lui tendait le ticket de caisse. Il se surprit à trembler. Il comprit que la pompiste lui plaisait plus qu’il n’y songeait et voulut lui proposer de boire un verre. Elle refusa. Il insista. Mais elle lui tint tête. Il en fut troublé. C’était la première fois qu’on lui disait non. Pour la première fois, quelque chose en lui – une certitude que la vie devrait être comme il pensait, s’effondra. Devant la jolie femme, il éclata en sanglots comme un bébé. Celle-ci lui rit au nez et le tança :"L’amour ne s’achète pas. Avant de sortir ta carte bancaire, tu ferais mieux de connaître ton coeur." » Le Prof arrêta ici son histoire et nous demanda quelle en était la morale. J’ai levé mon doigt et me suis exprimée ainsi : « La semaine dernière, on a étudié Socrate qui disait connais-toi toi-même... La connaissance du coeur est peut-être le début du chemin... » Le Professeur m’a félicitée. Moi, je n’avais pas l’impression que c’était moi qui avais parlé mais quelque chose en moi de plus grand que moi... Aujourd’hui, je me demande ce qu’est la connaissance du coeur. Est-ce lorsqu’on est amoureux ? C’est pour ça que je vous pose toutes ces questions. Vous avez le privilège de l’âge.
Merci Mauricette,
Votre Anne-Charlotte.

mardi 28 juillet 2009

MA CORRESPONDANCE AVEC ANNE-CHARLOTTE (6)

Aux ami(e)s et abonné(e)s, ou sans, je rentre à l'instant juste passé de mes villégiatures diverses de cet été sur les plages sablonneuses entre les estivant(e)s pour reprendre la publication ininterrompue légèrement de mes lettres retrouvées dans le mélange d'échange avec ma chère brave estudiante d'Anne-Charlotte.

15 janvier 2006
Ma chère Anne-Charlotte,
Ava avunave çavertavainave avépavoquave j’avavavais davéavelavoppavé avune favaçavilavitavé avà pavarlaver aven javavavanavais mais je n’ai pas réussi à m’acclimater à ces nouveaux mots en provenance de l’argot verlan des quartiers urbains et suburbains. Aussi, je ne kiffe pas trop les mots comme kiffer, hype, plusplus, kippa ou webcam. En dépit des apparences, j’ai un côté conservateur. Mais je ne vais pas m’attarder à la linguistique beaussartienne. J’aime bien l’idée que je sois apparue dans votre existence en sortant d’une lampe de poche. Wonder ne veut-il pas dire Merveille ? Et comme je vous l’ai dit déjà, de Merveille à Vermeil(le), la proximité est proche. Je ne saurais pourtant exaucer vos voeux, tout juste vous présenter les miens de bon souhait et de bonne sincérité au seuil de la nouvelle année qui verra fleurir le dix-huitième printemps de votre majorité virginale.

Je conserve pieusement le secret de votre frayeur dans le noir. N’hésitez pas à caresser d’un doigt léger l’interrupteur de votre lampe-torche en pensant fortement à moi et je prendrai mon envol du fond de la nuit pour venir me suspendre au plafond de votre chambrette et veiller sur votre sommeil rêveur ; métaphoriquement, s’entend.
Un de mes cauchemars favoris est justement celui-ci : je rêve que je rêve que je rêve et puis je me réveille et je me vois collée au plafond au-dessus de mon lit avec de la bave phosphorescente qui coule doucement de mon dentier entrouvert, et finit par se solidifier en arc de cercle au-dessus de ma courtepointe étoilée, comme un ectoplasme créant un pont entre mon dentier virtuel et mon verre à dents sur la table de nuit en marqueterie.

En fin de compte, je ne suis pas encore décidée à utiliser les nouvelles oreillettes, j’ai peur de m’enfoncer des choses dans les oreilles. Dans l'hôpital de ma maladie, j'ai connu une vieillarde qui s’est enfoncée un thermomètre médical dans l’oreille et le mercure s’est répandu dans son cerveau. Elle avait la tête lourde et elle en est morte. A un moment elle avait été obligée comme vous de répondre à la question : "Que voulez-vous faire dans la vie ?" Et elle aurait été incapable de répondre ou de simplement prévoir qu’elle deviendrait une morte à la tête pleine de mercure. Enfin, ce n’est pas très gai, mais que voulez-vous, moi non plus, je ne suis pas très gaie en ce moment. J’ai reçu une lettre menaçante de l’administration. Je vais être obligée de me faire dépister par les cancers du sein. A mon âge, ce n’est pas drôle. J’aurais préféré que l’on s’occupe de ma cervelle mais l’administration n’en a pas. Pourtant entre 17 et 60 ans, il me semble que j’ai accompli beaucoup de choses. Le problème c’est que je suis très occupée et je n’ai trop de temps à consacrer à l’exploration de mes souvenirs. Je m’occuperai de trier tout ça quand je serai morte, c’est comme regarder toutes les cassettes vidéo qu’on a enregistrées ou écouter toutes les cassettes audio des bonnes émissions de la culture radiophonique ou lire tous les livres qu’on a achetés. La vie vivante est un peu courte pour à la fois vivre et revivre. On est bien obligé de choisir. Je connais Rimbaud. Je le connais surtout par l’intermédiaire de mon amie Alfonsina qui a écrit pendant son traitement psychologique toute une série de poèmes à partir de ses poèmes à lui, c’est souriant, il y a Mes troènes, Sensations du vieillard et L’Eternit qui est mon préféré. Je vous le recopierai un de ces jours.

On peut écrire n’importe quelle bêtise sur son carton à dessin, jusqu’au moment où on est frappé par la foudre ou par le téléthon et là on est nettement moins fier. On peut aussi choisir entre "Dieu est mort" ou "Dios est amor". Pour ma part, j’ai un autocollant (un sticker ?) sur mon ordinateur qui dit "Vieux est mort".

J’espère que votre médaille est en vermeil. Un jour vous direz "J’ai perdu ma médaille", c’est à pile ou face. Je pense que vous vous tracassez beaucoup à propos de la sexologie. Laissez faire les choses ! Evitez de focaliser votre attention sur tout ce vocabulaire sexuel. Il n’y a pas d’âge pour faire la moue. Au lieu de "jouir" dites "respirer", au lieu de "préservatif", dites "moulin à légumes", au lieu de "pilule" dites "branchage", etc, etc, vous verrez, vous vous en porterez mieux. En tous cas, je ne vous ai jamais dit que Pollock avait tué ses parents en les noyant dans la peinture. Soyez plus rigoureuse dans vos recherches. Pour l’apéritif, je prendrai un single malt. J’ai trois marques préférées : Lagavullin, Knockando et Talisker. Mon docteur général m’a fait goûter un Cardhu mais je ne suis pas convaincue. A consommer avec modération, ma chère Anne-Charlotte.
Mauricette qui vous salue avec votre médaille.

jeudi 16 juillet 2009

MA CORRESPONDANCE AVEC ANNE-CHARLOTTE (5)

Anne-Charlotte
Troisième E-MAIL, le 11 janvier 2006, vers 18h.

Chère Mauricette,
Votre mail m’a fait kiffer... Je ne m’attendais pas à une réponse de vous si gentille. Je suis contente que vous aimiez mon nom. Pour moi, il n’est pas très hype, comme disent les copines. Borissette Mozart, ça vous irait bien, ça ressemble à un nom de génie, et ce matin vous l’êtes, vous sortez de ma lampe de poche. J’en ai toujours une sur moi. Dans mon sac, sous mon oreiller... C’est un secret entre vous et moi, personne ne doit savoir que j’ai peur du noir, hein, parce que je ne veux pas qu’on m’appelle bébé. Vous êtes mon amie, vous avez cliqué pour que je le sois, alors vous ne direz rien à personne. Vous avez l’air original, je serais curieuse de vous voir sans casque. En matière d’oreillettes, je peux vous conseiller, ça me donnera l’occasion de parler à Johan, le plus-plus, son père est chef de rayon à la fnac et s’y connaît très bien en informatique. J’ai hérité de beaucoup de tares. Je suis allergique au gluten. Les merveilleuses Charlotte et Pompadour que vous me vantez avec gourmandise, je ne pourrai pas les manger, sniff... Je veux bien vous regarder les cuisiner devant moi et me dire quel goût elles ont. J’ai pensé m’acheter une webcam. Je sais bien que vous n’avez pas de boule de cristal. Avouez que ce n’est pas facile quand on a 17 ans et que les professeurs vous demandent, parce que c’est l’année du bac, ce que vous voulez faire dans la vie. Moi, je leur réponds que j’ai déjà 60 ans et que je ne veux pas vivre entre 17 et 60 ans. Cela m’angoisse de remplir ce temps comme on remplit son cahier de texte, c’est fatigant. Bâiller avec un prince charmant ne me fait pas rêver. A l’école, on a étudié le poème de Rimbaud. Il dit qu’on n’est pas sérieux quand on a 17 ans. Je ne suis pas d’accord. Dans la classe, la mode c’est d’écrire sur les pochettes de ses cahiers que Dieu est mort ou de porter un foulard ou de mettre une kippa ou d’avoir un tee-shirt du Che. Moi, j’ai une médaille de la vierge qui pend autour de mon cou, ça date de mon baptême, comme un talisman. Le jour où je ne serai plus vierge, si ça m’arrive un jour, je l’enlèverai. En attendant, maintenant, je sais quoi faire.... Je vais interroger Google sur les chaussettes en caoutchouc et Brise la pastille... Quand même, je sais comment ça marche, j’ai eu des cours sur la reproduction des grenouilles et autres animaux de la terre... Quand les copines disent que leur prince les a fait kiffe kiffe jouir et j’ai crié, je me demande ce que ça veut dire... Sur google, il faut user d’un vocabulaire choisi... Là je parle comme ma grand-mère... Elle a toujours son vocabulaire choisi... c’est un moyen indirect pour obtenir ce qu’elle veut... Par exemple, si elle dit à ma mère, "vous êtes jolie ce matin", ça veut dire : ? « Est-ce que vous pouvez m’acheter un bouquet de roses blanches, et puis si cela ne vous dérange pas; faire un détour chez La durée et me prendre quelques macarons au pralin ? » Moi, je fais la même chose avec google... puisque mes parents ont bloqué toute recherche sexuelle sur internet, ils pensent qu’il n’y a que ce mot clé, sexe, mais c’est faux... Je détourne leur surveillance par mon vocabulaire choisi. Une fois, en écrivant isolation acoustique, je suis tombée sur des sites pornographiques... C’est pas mon truc. J’ai tout de suite décliqué. J’avais honte... Mais si j’écris confettis, je tombe sur des blogs de filles, et là j’en apprends beaucoup. C’est comme ça que j’ai appris comment on embrasse avec la langue. Vous savez, on croit que je suis heureuse et sage... Je vais prendre modèle sur Pollock, je vais tuer mes parents quand ils seront allongés sur l’herbe au prochain pique-nique de famille. Vous aimez les cacahuètes ??? Un soir, on pourrait boire l’apéro en comptant les premières étoiles point étoiles ;o)...
Je suis contente aussi que la canicule ne vous ait pas tuée et que vous ayez une cave pour les canicules futures parce que ça va chauffer.
Votre Anne-Charlotte.

à suivre...

vendredi 10 juillet 2009

MA CORRESPONDANCE AVEC ANNE-CHARLOTTE (4)

J'abandonne l'idée de nettoyer mon plafond par le rayonnement de ma fiixité oculaire. C'est juste une autre façon d'assurer un torticolis express. Alors voici ma première vraie lettre à la jeune dix-septenaire de Vermeil en janvier 2006. (M.B.)

Ma chère Anne-Charlotte,
Quelle avalanche ! Quelle énergie ! Un blog, des commentaires, deux emails !

J’admire votre fougue juvénile. J’ai commencé par visiter votre blog. Une visite rapide puisque vous êtes au bal des débutantes. Rapide mais instructive. Dès l’abord, cinq révélations ! Il est curieux de voir comme cette chaîne pyramidale s’est développée venant d’horizons virtuels différents puis s’éloignant dans d’autres espaces de l’internet.

Je vous réponds ici un peu à veau l’eau (la faute est intentionnelle puisque j’ai entrepris dernièrement la tache pharaonique d’élever un monument littéraire au veau dans la littérature mondiale). Personne ne choisit son nom, il est vrai. Ainsi au lieu de Mauricette Beaussart, j’aurais pu m’appeler Maurice Boissard ou Borissette Beaux-Arts. Vous portez un patronyme merveilleux et je le dis sans flagornerie ni contrepèterie. Anne-Charlotte de Vermeil. La Charlotte est avec la Pompadour une des meilleures races de pommes de terre que je connaisse et elles sont loin de la fin, elles continueront à germer et à accumuler de l’amidon. Anne fut chantée par Francis Jammes et par sa sœur. Quand à Vermeil, c’est un nom qui figure sur toutes les cartes. Soyez fière de votre nom et de vos origines. L’Auvergne est le cœur de notre beau pays dans sa profondeur et sa hauteur. C’est aussi le château d’eau de vie de la France.

Vous avez le courage d’aborder le thème des amours adolescentes et je vous dis « N’ayez pas peur ! », les princes charmants ne sont pas tous de grands demeurés. L’important est qu’ils soient propres sur eux et à l’intérieur. Il faut être hygiénique et sérieux quand on a dix-sept ans. Quant à vos amies qui ne parlent que de poils superflus, ne vous sentez pas obligée de les caresser dans le bon sens et gardez votre intégrité capillaire. On parle de réchauffement planétaire mais les choses peuvent changer.

J’accepte volontiers votre amitié même si à l’origine elle se fonde sur un sentiment photographique. Vous savez, cette photo ne me rend pas tout à fait justice. Depuis qu’elle a été prise, j’ai un peu changé. J’ai remplacé mon casque d’écoute par une clé usb reliée à des petites oreillettes et je porte des lunettes. Nous voilà un point commun ! Ceci dit, je laisse cette photo sur ma page d’accueil parce que j’ai oublié la façon dont on peut la changer et puis mes visiteurs y sont habitués.

Au moment de la canicule, je dois dire que j’ai jubilé. Je passais mes journées dans la fraîcheur de l’ancienne cave à légumes en écoutant les bilans de la radio nationale. Je sortais uniquement la nuit pour regarder les étoiles et m’allonger dans la fine rosée qui descendait sur la pelouse jaunissante et pelée. Je pensais à toutes ces vieilles personnes qui allumaient des nouvelles étoiles dans le grand ciel de l’univers divin et je me disais que l’argent dépensé pour les retraites serait plus abondant pour les survivants...

Si je résume un peu ce que je sais de vous après ces quelques jours, vous volez du chocolat, vous trichez en mathématique, vous souhaitez la mort de vos parents et de votre grand-mère et vous aboyez comme un chien. Sous un aspect de petite jeune fille aux plumes d’oie blanche, vous cachez une détermination solide, une opiniâtreté bouleversante et un cœur de lion. En revanche quand vous parlez de pilule et de préservatif, je pense que vous vous moquez de moi. Consultez donc les pages de votre google en tapant « chaussette en caoutchouc » ou bien « prise de la pastille ». Bref je ne suis pas une diseuse de bonne ou de mauvaise aventure. J’accepte votre amitié et une petite praline de temps en temps mais personne ne doit compter sur moi pour indiquer l’heure ou la route. Je suis trop occupée à vivre mon passé futur et mon futur passé aujourd’hui et maintenant.

Encore une chose. Jackson Pollock peignait la plupart du temps sur une surface horizontale. Il utilisait des paniers percés pour faire couler la peinture sur la toile. Aussi, le mieux pour vos parents n’est sans doute pas de les coller au mur (je sais que cela s’est beaucoup fait) mais plutôt de les allonger dans l’herbe. Il a beaucoup plu depuis la canicule terminée. De nouveau, les prairies sont grasses et verdoyantes. Les troupeaux paissent et nous les surveillons d’un œil bleu et las.

Votre Mauricette.

MA CORRESPONDANCE AVEC ANNE-CHARLOTTE (3)

La jeunesse est subtile, rapide dans l'éxécution des mouches et des tâches qui causent des taches. Voici encore Anne-Charlotte qui se dévoile mais je promets de lui répondre et c'est déjà fait fait. Demain je publierai ma réponse en personne. Ou même cette après-midi. Avant ceci, il faut que j'essaie par la pensée de nettoyer mon plafond. Et j'ai besoin de concentration et de focus. (Moe Reset)

BLOG Anne-Charlotte, le 11 janvier 2006

Cinq choses peu connues à mon sujet.


1) Moi, ce que je vais vous dire, peu de gens le savent. Quand on a étudié la Révolution française à l’école, j’ai compris qu’on en voulait aux aristocrates. Je m’appelle Anne-Charlotte de Vermeil, moi, je n’ai pas choisi mon nom. Heureusement que mes parents ne m’ont pas appelé Laure, j’aurais ressemblé à une médaille olympique. J’ai appris dernièrement en fouillant dans les caisses d’archives du domaine familial de Saint-Cernin en Auvergne que ma famille n’était pas d’une lignée très noble, ça m’a rassurée. Je sais maintenant qu’après la Révolution, mes aïeux ont acheté leur particule. Mon vrai nom, c’est Anne-Charlotte Marie Elisabeth Vermeil, c’est plus joli sans « de », vous ne trouvez pas ? Au lycée, les autres m’appellent la « Redede ».... Au fond de mon cœur, je suis comme tout le monde.

2) Je n’ai jamais dit « je t’aime » et je n’ai jamais embrassé de garçon. Cela me tracasse beaucoup. J’ai 17 ans et 9 mois. Si je regarde les statistiques, ça me fait peur. j’ai dépassé la moyenne nationale de l’âge du premier rapport sexuel, 15 ans. Moi, je ne rêve pas du prince charmant, j’en ai assez des grandes demeures. Je ne veux pas paraître idiote non plus. Je surfe sur les blogs des filles, et j’apprends par cœur les descriptions de baiser avec la langue, c’est très instructif.

3) L’autre jour, j’ai triché pendant le contrôle de mathématiques. Mon voisin de table, Kevin, a la bosse, un vrai dromadaire du calcul. Il a toujours les meilleures notes. Je n’y peux rien s’il est gaucher et que son brouillon touchait presque ma copie. Comme j’ai des lunettes et que je louche un peu, le surveillant n’a rien vu.

4) J’aimerais bien avoir une vraie copine de cœur. Au lycée, je suis dans une bande de filles, je n’ose pas parler, j’écoute. Elles ont toujours plein de trucs à raconter. Par exemple, elles s’épilent toutes les sourcils, les aisselles et plus bas. Jennifer va à l’institut. Natacha utilise le rasoir de son père. Léa s’épile avec l’appareil électrique de sa mère, en cachette, elle dit que ça fait pas mal, moins mal que la cire chaude. Moi, les poils, ça ne me dérange pas. Je n’aime pas être en jupe, et puis on me prend pour un garçon manqué. On a eu un cours d’éducation sexuelle, la semaine dernière pour commencer l’année en étant responsable. Le professeur a insisté, il faut être responsable de ses actes. Johan, le garçon plus-plus de la classe, m’a dit que je devais préférer les filles. N’importe quoi !

5) Je suis hyper too much contente d’avoir mon blog. J’en ai parlé à personne. Hier, trois personnes l’ont visité et on m’a envoyé cette invitation. Je peux parler de moi, je me demande qui me connaît vraiment. Mes parents croient que je surfe sur internet pour mon orientation professionnelle. C’est bientôt le bac...

jeudi 9 juillet 2009

MA CORRESPONDANCE AVEC ANNE-CHARLOTTE (2)

Anne-Charlotte
Deuxième E-MAIL, le 11 janvier 2006, 18h01

Chère Madame Beaussart,

Je vous remercie de votre commentaire sur le blog, si rapide. J’ai toujours un peu le trac quand j’écris des trucs que tout le monde peut lire, surtout que vous avez beaucoup d’amis. Cela me rassure, vos propos sur la chocolat. Je ne vous ai pas tout dit. j’en vole souvent au monoprix, le côte d’or aux noisettes, extra. Je suis une vraie chocolat maniaque ;-). Votre conception de l’art contemporain m’a bien fait rigoler. Mon prof de français nous tient toujours des discours sur les artistes comme s’ils étaient sortis de la cuisse de Zeus. Je ne connais pas Pollock. J’ai interrogé Google. Wahouououou.... Il a l’air un peu ouf-louf, Pollock le Plouf. J’ai eu une idée. Si je tue mes parents avec une pelle on pourra m’appeler Pollock. Le truc, c’est qu’il faudrait que je les tue devant un mur vierge. Or à la maison, il y a partout des portraits de famille. Moi, je ressemble au plus moche, un aïeul de la fin XVIIIème. Ma mère me dit souvent que j’ai la tronche d’une fin de race. Quand elle me dit ça, j’aboie, elle devient toute rouge et contient sa rage. J’en rajoute une couche, j’assume que les chiots naissent des chiennes. Elle est furieuse. Je suis nulle en science de la vie et de la terre. J’ai l’air méchant, attention, je n’aboie pas devant un chat en rut, je n’en ai jamais vu. J’ai beaucoup à apprendre. Les filles de la classe expliquent comment elles mettent un préservatif, ça n’a pas l’air facile. Entre nous, je ne vois pas où placer la pilule. Si j’explique qu’elle se met au fond du caoutchouc, vous pensez qu’elles vont se moquer de moi ??? Faut que je vous avoue, Madame Beaussart, je suis innocente, blanche comme colombe dans la Bible, et ça fait l’objet de railleries, on croit que je sors des nuées. A 17 ans, c’est normal et naturel d’avoir fait l’amour avec un garçon, mais pas pour moi, parce que je ne sais même pas ce qu’est l’amour.

A bientôt, Madame Mauricette,

Votre Anne-Charlotte

jeudi 2 juillet 2009

MA CORRESPONDANCE AVEC ANNE-CHARLOTTE (1)

Mes bon(ne)s ami(e)s de l'internet(te), vous êtes dans le souvenir de mon ancienne blogue avant ma chute et sa destruction inconsidérée dans la maladie qui me saisit. On me le raconta. Dans les archives de ma clé, j'ai trouvé toute la correspondance de lettres que j'échangeai avec la jeune amie Anne-Charlotte qui me toucha beaucoup dans sa juvénilité d'enthousiasme. Elle me donne volontiers son accord de la publication sur les deux étoiles et le point. C'est un monde. Je pratiquerai en plusieurs fois cette correspondance qui s'échelonne seulement sur les mois d'hiver 2006 en janvier et février de cette année-là. Aujourd'hui dans l'historique, voici le premier message électronique. Or donc se fit attendre ma réponse mais dans ce temps, j'en vins à publier les 5 choses peu connues de ma vie antérieure et il se trouva l'occasion d'un échange avec Anne-Charlotte dans les commentaires qui les suivirent. Pour la vérité et qu'on ne reste pas confus de ma publication, je laisse à vos yeux tous les commentaires des ami(e)s lié(e)s de cette époque.


Anne-Charlotte
Premier E-MAIL, le 11 janvier 2006, 16h23.
Chère Madame Beaussart,
Quand je vois votre photo, je rêve de devenir votre amie. Vous ressemblez à ma grand-mère mais en version sympathique. Ma grand-mère, je ne l’aime pas. Vous, j’ai envie de vous aimer. Vous avez intégré l’informatique dans votre quotidien. Vous êtes une blogueuse. Vous n’êtes pas comme tous ces vieux comme ma grand-mère, qui auraient dû mourir pendant la canicule, encore plus nombreux, et qui se plaignent toujours du progrès. Vous êtes une vieille de votre temps comme je suis jeune et toujours un peu rêveuse.
Je vous invite à visiter mon blog : http://anne-charlotte-v.canalblog.com
Vous comprendrez mieux ce que je veux vous dire.


Mauricette Beaussart
Extrait de son blog le 11 janvier 2006
On m'a invitée à participer à une chaîne de jeu et je vais donc participer en relatant cinq choses peu connues à mon sujet.
CINQ CHOSES PEU CONNUES A MON SUJET
1ère chose peu connue à mon sujet : Toute petite, je fus obligée d’aller passer quelques jours enfermée à l’Hôpital Calmette de Lille pour subir (les docteurs disent"bénéficier") une bronchoscopie parce que j’avais du mal à respirer et que mes poumons faisaient un bruit de jeune âne qui brait dans une pâture. Maman était inquiète et le docteur aussi parce qu’on ne voyait rien à la radio. Aujourd’hui, c’est à la télévision qu’on ne voit rien, tout simplement parce que la radio c’est pour les oreilles mais moi c’était les bronches. Je suis allée à Lille avec Maman dans un voyage à partir d'Haverskerque sur l’autobus Citroën. C’était un autobus de ligne régulière qui faisait beaucoup de bruit et dont le tuyau de l’échappement sentait très bon. Nous fûmes bien secouées dans les sièges mais je me tenais à une barre chromée en faisant attention de ne pas me claquer les dents de devant sur la barre. Ceci dit, les sièges étaient veloutés de marron et doux à mon derrière.

2ème chose peu connue à mon sujet : Dans l’hôpital Calmette, j’ai dormi deux ou trois nuits dans un dortoir avec d’autres filles malades qui n’avaient pas l’air malade. Vers le soir, quand la patronne en blanc du dortoir était partie derrière la porte après avoir soufflé la lumière, tout un groupe de filles avec à leur tête une commandante qui s’appelait Alfréda s’est relevée avec des lampes de poche à pile Wonder autour de mon lit. Elles m’ont dit : "Mauricette, viens avec nous ! ". Je les ai suivies hors du dortoir dans le couloir où se trouvaient les armoires de nos affaires. Quand j’y réfléchis aujourd’hui, je me dis que cette chose à mon sujet je ne la connais peut-être pas bien moi-même parce que je trouve bizarre que les armoires n’étaient pas dans le dortoir mais sans doute que les architectes de ce temps-là n’étaient pas aussi intelligents que ceux d’aujourd’hui qui construisent les beaux monuments comme à Euralille ou à Georges Pompidou. Avec les filles dans le couloir, on était une dizaine. Elles volaient et mangeaient les biscuits et le chocolat Delespaul-Havez dans les armoires des petites qui dormaient paisiblement dans la tranquillité de leurs draps blancs amidonnés. Je les regardais mal agir. Je n’ai pas voulu manger le carré de chocolat qu’Alfréda me tendait de sa main. C’était la première fois que je voyais quelqu’un en vrai commettre un péché. Plus tard de ma vie, je suis retournée dans un autre hôpital pour la tête parce que c'était moi la pécheresse.

3ème chose peu connue à mon sujet : Une autre chose qui n’est pas très connue à mon sujet, c’est que mon dentier du haut (ne doit-on pas dire"prothèse dentaire supérieure ?") me fait un peu mal, se frotte à la muqueuse de l’os et ainsi, je ne peux plus manger des figues alors que j’aime beaucoup ces fruits semblables à des petits animaux séchés écrasés par une roue de bicyclette, mais les petits grains de figues se glissent subrepticement entre mon palais et le plancher de mon dentier ; ce qui fait qu’à l’intérieur de ma bouche, je ressemble à la princesse au petit pois.

4ème chose peu connue à mon sujet : En 1977, j’ai vécu pendant six mois à Londres. J’avais une chambre dans le quartier de Hackney et je travaillais comme habilleuse et maquilleuse pour la chanteuse Siouxsie Sioux. C’était moi qui lui faisais son make-up maison juste avant qu’elle entre dans la scène. Evidemment je pourrais ici dire beaucoup de choses peu connues sur cette activité et les confidences que je recevais mais je ne suis pas du genre à étaler ma vie comme de la confiture de rhubarbe sur la tartine d’un blog. Bref, j’ajouterai seulement que c’était aussi moi qui fabriquais des échelles assez grandes pour les bas et les collants de Siouxsie et de ses copines comme Ari Up et Palmolive. Je faisais ça avec une grande habileté parce que j’avais des ongles très abîmés.

5ème chose peu connue à mon sujet : Avant que les savants n’inventent la pilule anticonceptionnelle, il m’est arrivé de tuer des petits chats à leur naissance. J’ai aussi tué des poules, des poulets, des lapins et un canard. C’était il y a bien longtemps. Aujourd’hui il m’arrive seulement d’aplatir de temps à autre avec une tapette en plastique quelques moustiques sur le papier peint des murs de ma chambre. C’est ma façon à moi de faire de l’art moderne.

Le jeu me permet d'inviter cinq nouveaux enchaînés et je choisis : Beouf le boeuf, Isidore Juskamidi, Le patron du Café du Commerce, Jean d'Artois et mon amie Cécile Petit Pois.

COMMENTAIRES
Amel a dit...
Chère Mauricette, en aplatissant mon pinceau sur le papier, votre portrait m'est apparu...
Amitié, Amel
11/1/06 15:58

Mauricette Beaussart a dit...
Chère Amel, vous êtes mon William Blake personnel. Mille mercis. Je me sens toute rajeunie. Je suis sûre de passer l'hiver.
11/1/06 16:55

Anne-Charlotte a dit...
Madame Beaussart,
Si je vous dis que j’ai mangé en cachette les chocolats du calendrier de l’Avent de ma petite soeur, pour vous, c’est commettre un péché ?
Si je vous dis que ma petite soeur est un peu grosse et les manger à sa place, c’est lui rendre service, est-ce encore un péché ?
Si je vous dis que ma petite soeur n’aime pas les chocolats et que personne ne les aurait mangés si je n’avais pas laissé traîner une main espiègle près de son calendrier, ai-je péché ?
Et si je me régale, si j’en redemande, suis-je une pécheresse ?
Madame Beaussart,
Vous dites faire de l’art moderne en tuant des mouches avec une tapette, ça fait des traces sur le papier peint. Est-ce que je suis une artiste si je crache sur ma copie et que l’encre de mon stylo-plume bave ? Et si je tuais mes parents, ça m’arrive parfois de le penser, je pourrais sortir le samedi soir ? Au lycée, on nous parle toujours du préservatif, pas de la pilule qui empêcherait les imbéciles de se reproduire. Moi, j’aimerais bien qu’on discute ensemble. Je vous envoie un MP.
11/1/06 16:59

Mauricette Beaussart a dit...
Ma chère Anne-Charlotte, je vous remercie de votre visite et de ce commentaire multi-interrogatif. J’ai déjà derrière moi une vie longue comme un jour sans foin, pourtant c’est la première fois qu’on me sollicite comme une directrice de conscience. J’en accepte l’augure et je vous déclare tout de go que de nos jours il n’y a plus rien de très grave à commettre des péchés. On ne vous hospitalisera plus du mental pour cette unique raison et bien au contraire, cela donne un sentiment d’appartenance à l’humanité et rend la vie moins monotone. Tout le monde ne peut pas être stylite ou papa dans le désert. D’ailleurs, pensez-y, quand on est perché au sommet d’une colonne, il est quand même plus facile de dissimuler un carré, voire deux carrés de chocolat qu’un avant de boeuf, un sac de pommes de terre ou un gigot de mouton. Alors ne vous tracassez pas ! Allez en paix et demeurez une gentille pécheresse à problèmes.
Pour ce qui est de l’art moderne (à ne pas confondre avec le gras de boeuf ou le style nouille), je me permets, chère Anne-Charlotte, de vous faire remarquer que je n’utilise pas des mouches comme ingrédients (les mouches ne contiennent qu’une matière blanchâtre vaguement colloïdale et assez répugnante), non, j’utilise des moustiques, car les moustiques, voyez-vous, contiennent chacun une petite quantité de bon sang rouge qu’ils ont subrepticement pompé à un être humain. Hé oui, ces moustiques sont des pécheurs ! Je trouve que les petites éclaboussures rouges entourées de la transparence des ailes et des petites pattes noires sont du plus bel effet graphique et coloré sur le papier peint à dominante vert pomme de ma chambre à coucher. Never mind the Pollock !
Si vous envisagez de tuer vos parents, utilisez de préférence à la tapette, une arme plus efficace, une pelle à charbon ou un marteau par exemple. C’est comme la pilule, il ne sert à rien de la mettre au fond d’un préservatif. Pour ma chatte, c’était effectivement la meilleure solution. Avez-vous jamais essayé d’enfiler un préservatif à un matou en rut, griffant, bavant et pissant de rage à l’instar d’une créature du regretté Georges Bataille ? Inutile de répondre à cette question, c’est juste un exemple. J’attends sans anxiété mais avec impatience l’email annoncé et vous salue avec ma sincérité.
Votre Mauricette.
11/1/06 17:18

beouf le boeuf a dit...
Je vous trouve un peu sévère, Mauricette, avec Anne-Charlotte. J'ai toujours cru que les préservatifs se mettaient sur les nuggets et les pillules sur les muffins. God shave the queen et after mind the Bourliouk ! (Mince, j'ai honte.)
11/1/05 21:54

FB a dit...
on s'incline respectueusement, en regrettant que ce soit pas une course aux handicaps, et qu'au bénéfice de l'âge"étoile point étoile"nous en aurait mis 12 et pas 5 (d'étoiles...)
demander à Siouxsie de participer ?
11/1/06 21:55

C.C. a dit...
Ces confidences, qui viennent s'ajouter aux deux ou trois choses que nous savions de vous, ne manqueront pas de toucher vos amis inconnus. C'est beau comme du Luc Dietrich — on peut aussi considérer que ce dernier s'est rendu coupable de plagiat par anticipation.
12/1/06 09:51

Berlol a dit...
Et pourquoi seulement six mois avec Siouxsie ? C'est dommage, non ?
13/1/06 10:18

Mauricette Beaussart a dit...
Monsieur Berlol, je suis flattée que vous veniez de l'extrême orient lointain me rendre visite et je vous autorise volontiers à reproduire les choses de moi qui commencent à être très connues.
Vous n'êtes pas le premier à m'interroger par questionnement sur le séjour que je fis à Londres dans l'époque du punkisme naissant. Je n'ai pour l'instant pas de temps long à consacrer à une réponse parce que je suis très occupée à me débrouiller dans les harcèlements de l'administration étatique de sécurité mentale de la société, aussi pour faire brève je dirai : seulement six mois avec Siouxsie à cause de l'allitération, me réservant de donner un compte-rendu de mon séjour londonien plus tard et dans un autre lieu que la page des commentaires des visiteurs. Je vous souhaite un bon soleil levant.
16/1/06 09:54

Mauricette Beaussart a dit...
Cher Beouf, cette salopette vous enveloppe comme un gant (je n'ai pas osé écrire"préservatif").
Monsieur Bon, je suis honorée de votre visite. Malheureusement je n'ai plus l'adresse de Siouxsie. Il ne nous reste qu'à espérer qu'elle revienne sur ses traces en pétaradant sur sa mobylette de recherche...
16/1/06 15:08
La prochaine fois dont j'ignore encore la date, je publierai le second Email d'Anne-Charlotte qui lui donne le nom de MP et nous apprendrons aussi les 5 choses peu connues à son sujet qui furent sur son blog lui ayant disparu sans rémission.
à suivre...