mardi 28 juillet 2009

MA CORRESPONDANCE AVEC ANNE-CHARLOTTE (6)

Aux ami(e)s et abonné(e)s, ou sans, je rentre à l'instant juste passé de mes villégiatures diverses de cet été sur les plages sablonneuses entre les estivant(e)s pour reprendre la publication ininterrompue légèrement de mes lettres retrouvées dans le mélange d'échange avec ma chère brave estudiante d'Anne-Charlotte.

15 janvier 2006
Ma chère Anne-Charlotte,
Ava avunave çavertavainave avépavoquave j’avavavais davéavelavoppavé avune favaçavilavitavé avà pavarlaver aven javavavanavais mais je n’ai pas réussi à m’acclimater à ces nouveaux mots en provenance de l’argot verlan des quartiers urbains et suburbains. Aussi, je ne kiffe pas trop les mots comme kiffer, hype, plusplus, kippa ou webcam. En dépit des apparences, j’ai un côté conservateur. Mais je ne vais pas m’attarder à la linguistique beaussartienne. J’aime bien l’idée que je sois apparue dans votre existence en sortant d’une lampe de poche. Wonder ne veut-il pas dire Merveille ? Et comme je vous l’ai dit déjà, de Merveille à Vermeil(le), la proximité est proche. Je ne saurais pourtant exaucer vos voeux, tout juste vous présenter les miens de bon souhait et de bonne sincérité au seuil de la nouvelle année qui verra fleurir le dix-huitième printemps de votre majorité virginale.

Je conserve pieusement le secret de votre frayeur dans le noir. N’hésitez pas à caresser d’un doigt léger l’interrupteur de votre lampe-torche en pensant fortement à moi et je prendrai mon envol du fond de la nuit pour venir me suspendre au plafond de votre chambrette et veiller sur votre sommeil rêveur ; métaphoriquement, s’entend.
Un de mes cauchemars favoris est justement celui-ci : je rêve que je rêve que je rêve et puis je me réveille et je me vois collée au plafond au-dessus de mon lit avec de la bave phosphorescente qui coule doucement de mon dentier entrouvert, et finit par se solidifier en arc de cercle au-dessus de ma courtepointe étoilée, comme un ectoplasme créant un pont entre mon dentier virtuel et mon verre à dents sur la table de nuit en marqueterie.

En fin de compte, je ne suis pas encore décidée à utiliser les nouvelles oreillettes, j’ai peur de m’enfoncer des choses dans les oreilles. Dans l'hôpital de ma maladie, j'ai connu une vieillarde qui s’est enfoncée un thermomètre médical dans l’oreille et le mercure s’est répandu dans son cerveau. Elle avait la tête lourde et elle en est morte. A un moment elle avait été obligée comme vous de répondre à la question : "Que voulez-vous faire dans la vie ?" Et elle aurait été incapable de répondre ou de simplement prévoir qu’elle deviendrait une morte à la tête pleine de mercure. Enfin, ce n’est pas très gai, mais que voulez-vous, moi non plus, je ne suis pas très gaie en ce moment. J’ai reçu une lettre menaçante de l’administration. Je vais être obligée de me faire dépister par les cancers du sein. A mon âge, ce n’est pas drôle. J’aurais préféré que l’on s’occupe de ma cervelle mais l’administration n’en a pas. Pourtant entre 17 et 60 ans, il me semble que j’ai accompli beaucoup de choses. Le problème c’est que je suis très occupée et je n’ai trop de temps à consacrer à l’exploration de mes souvenirs. Je m’occuperai de trier tout ça quand je serai morte, c’est comme regarder toutes les cassettes vidéo qu’on a enregistrées ou écouter toutes les cassettes audio des bonnes émissions de la culture radiophonique ou lire tous les livres qu’on a achetés. La vie vivante est un peu courte pour à la fois vivre et revivre. On est bien obligé de choisir. Je connais Rimbaud. Je le connais surtout par l’intermédiaire de mon amie Alfonsina qui a écrit pendant son traitement psychologique toute une série de poèmes à partir de ses poèmes à lui, c’est souriant, il y a Mes troènes, Sensations du vieillard et L’Eternit qui est mon préféré. Je vous le recopierai un de ces jours.

On peut écrire n’importe quelle bêtise sur son carton à dessin, jusqu’au moment où on est frappé par la foudre ou par le téléthon et là on est nettement moins fier. On peut aussi choisir entre "Dieu est mort" ou "Dios est amor". Pour ma part, j’ai un autocollant (un sticker ?) sur mon ordinateur qui dit "Vieux est mort".

J’espère que votre médaille est en vermeil. Un jour vous direz "J’ai perdu ma médaille", c’est à pile ou face. Je pense que vous vous tracassez beaucoup à propos de la sexologie. Laissez faire les choses ! Evitez de focaliser votre attention sur tout ce vocabulaire sexuel. Il n’y a pas d’âge pour faire la moue. Au lieu de "jouir" dites "respirer", au lieu de "préservatif", dites "moulin à légumes", au lieu de "pilule" dites "branchage", etc, etc, vous verrez, vous vous en porterez mieux. En tous cas, je ne vous ai jamais dit que Pollock avait tué ses parents en les noyant dans la peinture. Soyez plus rigoureuse dans vos recherches. Pour l’apéritif, je prendrai un single malt. J’ai trois marques préférées : Lagavullin, Knockando et Talisker. Mon docteur général m’a fait goûter un Cardhu mais je ne suis pas convaincue. A consommer avec modération, ma chère Anne-Charlotte.
Mauricette qui vous salue avec votre médaille.

2 commentaires:

Chr. Borhen a dit…

" La vie vivante est un peu courte pour à la fois vivre et revivre. On est bien obligé de choisir. Je connais Rimbaud. "

Rien que pour ça, j'aimerais bien vous "lier"...

Mauricette Beaussart a dit…

Cher Monsieur Borhen, merci de me citer. Je veux bien que vous m'attachiez mais s'il vous plaît, ne serrez pas trop fort. J'ai parfois des problèmes de circulation.